La répétition ou l'amour puni
Introduction
Écrit par Jean Anouilh, auteur du XXème siècle, connu pour ses pièces de théâtres, notamment lorsqu'il renouvelle les mythes (comme Antigone) ainsi que ses fables.
La répétition ou l'amour puni (1951) fait parti des pièces «brillantes», par opposition aux pièces «noires», pessimistes. C'est une comédie en 5 actes, non découpés en scènes. On s'intéresse ici à un extrait de l'acte II.
Sujet: Un groupe d'acteurs répète une pièce de Marivaux, La double inconstance, jouant en costume Louis XV (didascalie à l'acte I). Rapidement, la répétition tourne court et les acteurs formulent des réflexions sur le théâtre, sa représentation, le jeu de l'acteur.. On connait essentiellement l'avis du Comte que celui des 4 autres personnages, qui considère que le théâtre est mieux que la vie, qu'il est «plus vrai que le vrai» (l. 52-53)
Problématique: Comment, dans une comédie, à l'occasion d'une répétition, l'auteur, c'est à dire Jean Anouilh, propose une réflexion sur le théâtre par le personnage du Comte?
Plan:
I. Les caractéristiques du dialogue
II. La réflexion sur le comédien
III. La réflexion sur la représentation
I. Les caractéristiques du dialogue
a) La scène de marivaudage: la pièce enchâssée
On a affaire à une scène qui présente 2 niveaux. On considère que la pièce enchâssée n'occupe que les 6 premières répliques (10 lignes) et encadre la pièce cadre. C'est un échange rapide entre le Comte et Lucile. Lors de cette répétition de 2 répliques, le Comte comprend la réalité, ce qui l'amène à opérer une rupture brutale.
Le Comte s'adresse alors plutôt à la vrai Lucile qu'à la Lucile en tant que personnage. Cela crée une confusion entre le jeu théâtral et la réalité.
Les 4 premières répliques sont une sorte de bref marivaudage. Il n'y a que 2 personnages.
b) La pièce cadre
Il y a cette fois 5 personnages, donc 3 sont arrivés. C'est la plus grande partie de l'extrait, avec beaucoup plus de répliques:
4 pour le Comte
4 pour la Comtesse
1 pour Monsieur Damiens
1 pour Hortensia
0 pour Lucile
Le Comte est donc le personnage le plus important, par la longueur de son temps de parole et le contenu de celui-ci. C'est lui qui formule les idées, il représente l'auteur, c'est son porte-parole.
La Comtesse introduit Damiens, sans doute un ancien avocat devenu monteur de pièce. Il est pris ici pour jouer un homme d'affaires. La Comtesse installe l'illusion dramatique, elle est dans la pièce cadre.
Damiens et Hortensia servent à illustrer les idées du Comte.
On est donc dans une comédie mettant en scène une courte répétition, arrêtée au profit d'un dialogue d'idées.
II. La réflexion sur le comédien
a) Les défauts
Les acteurs sont trop narcissiques, vaniteux, centrés sur leur personne et satisfait d'eux-mêmes (l.35). Le Comte généralise, afin de bien faire comprendre ce côté. Il utilise même une métaphore/comparaison l. 36, les rapprochant des charmeurs de serpents.
Les acteurs s'imagine être les meilleurs et charmer tout le monde par leur jeu. Mais il ont du mal à sortir d'eux-mêmes et à s'adapter aux personnages qu'il doivent jouer. Ainsi, ils ne sont pas forcément bon puisqu'ils imitent le ton de la vie, ce qui est à éviter (l. 40)
Les acteurs sont aussi susceptibles et lorsqu'on leur fait une critique, ils ont une attitude excessive (l. 32). Le Comte répond à cette vexation de manière générale.
Lors les comédiens sont sûrs d'eux, ils deviennent des cabotins, ils en font trop, avec plus d'émotions que nécessaire, ils surjouent.
b) Le bon comédien
Un bon comédien le devient par la répétition, le travail (l. 15)
De plus, il doit avoir une distance par rapport au texte qu'il joue, c'est toujours un texte d'auteur donc il n'y a pas d'improvisations puisque le texte est écrit.
Il ne doit donc pas retrouver le ton de la vie mais s'éloigner du naturel. Mais cela, tout en ayant l'air de rester naturel et vrai, grâce au travail préparatif.
III. La réflexion sur la représentation
a) La question du vrai et de l'artifice
Le Comte, en tant que porte-parole de l'auteur Anouilh, développe l'idée du vrai et de l'artifice au théâtre des lignes 50 à 53.
Le théâtre est une forme d'art et grâce au travail du dramaturge, usant d'artifices (décors, mise en scène), le théâtre donne sens et forme à la vie. On note l'importance du ";", qui structure les phrases en différentes propositions. Cela expose et ordonne les idées.
Il y a donc un paradoxe puisqu'au théâtre, tout est faux, pour le vrai. Le théâtre transforme la réalité par l'art. C'est là le principe de l'illusion dramatique.
b) Le spectateur/ La question de l'identification
L. 45-48: si on paye une place de théâtre, c'est pour voir un spectacle et non pas la réalité, la vie quotidienne.
À l'origine, le théâtre a une fonction religieuse, il rend hommage à Dieu et politique. Alors, on ne payait pas. De nos jours, le théâtre ne remplit donc plus cette fonction première, on est loin de ces valeurs. Ce sont ces fonctions récentes qui sont ici mises en valeur.
Le spectateur ne doit pas s'identifier au personnage que joue l'acteur mais doit chercher des idée, sinon c'est trop simple. Il faut donner une dimension littéraire au théâtre.
Conclusion
On part du théâtre dans le théâtre pour dériver sur une réflexion sur le théâtre. C'est ce sur quoi le dialogue théâtral débouche. Ainsi, la comédie est oubliée au profit des idées exposées.