La question de l'Homme - lectures complémentaires
Blaise Pascal, Pensées, 1670
On a ici affaire à un texte qui n'est pas achevé: l.8, 23-26
Pascal développe ici ses pensées personnelles, qui sont pessimistes: c'est un janséniste. Ses idées portent sur le divertissement (dis|vertere: tourner), qui consiste à se détourner de la condition humaine. En effet, l'auteur considère que, par essence, la condition humaine est malheureuse et q'il n'y a pas de bonheur sur Terre puisque par nature, l'Homme est voué à la mort. Ainsi, l'Homme doit se divertir, se détourner de sa condition pour pouvoir être heureux en jouant, chassant... Cependant, ce bonheur causé par une action ponctuelle ne sera qu'éphémère. Pour Pascal, le bonheur se trouve en se donnant les moyens de faire quelque chose, par forcément par le résultat de ce que l'on entreprend. Enfin, il a une vision contraire à celle de Fabrice: «la prison est un supplice si horrible» (l.35)
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755
C'est un texte très court: il n'est composé que de 14 lignes.
L'auteur oppose ici 2 moments de l'Histoire, mis en valeur par «tant que» (l. 1, 6): l'Homme primitif à l'apparition de la société. Il n'y a pas de repères temporels précis, ni de lieu, ce n'est donc pas un texte historique et incontestable mais un essai donc le développement d'une analyse personnelle. Rousseau explique que l'Homme primitif était heureux car autonome, indépendant (l. 6, 7) et grâce à la limite, à la modération de ses besoins à un niveau primaire (besoins vitaux uniquement). Puis, on passe à l'Homme moderne, l'opposition entre les deux étant marquée par le «mais» (l. 9). Peu à peu, l'Homme a perdu son autonomie et son indépendance, ce qui a amené l'obligation du travail à plusieurs donc des inégalités. Mais est aussi apparue la propriété, provoquant mise et esclavage. Soit deux grands malheurs. Ainsi, le bonheur est possible mais en dehors de la société dans laquelle on vit car l'Homme est corrompu. Cette vision de l'Homme primitif est utopique puis l'autonomie de celui-ci est contestable. Cet esprit de bons sauvages heureux nous rapprochent des Troglodytes de Montesqieu ou de L'Ingénu, de Voltaire.
Jean-Paul Sartre, Les mouches, 1943
Nous sommes ici dans une pièce de théâtre, réécriture d'un mythe antique, écrit durant la 2nde Guerre Mondiale. Electre occupe la place centrale, par son jeu théâtral («elle danse» (l. 50) ), par ses vêtements provocateurs et par ses propos, qui défendent sa vision personnelle du bonheur, se basant sur son opposition au roi, qu'elle déteste. Bien que tout s'oppose au sentiment de bonheur, Electre décide consciemment qu'elle est heureuse, car pour elle, le bonheur vient de l'opposition, de la résistance. Ainsi, son bonheur s'apparente à un acte de liberté, en s'opposant au tyran qui usurpe sa place. C'est en effet un message politique.
Lucrèce, De rerum natura, Ier siècle avant J.C
On a ici la vision d'un bonheur épicurien, qui consiste à se tenir à l'écart de l'agitation du monde, de ne pas participer à la vie de la cité. En effet, l'isolement est une solution satisfaisante car l'épicurien voit à quel malheur il échappe. Mais ce plaisir à être à l'écart et à observer n'existe que si on a la sagesse épicurienne. Le sage épicurien n'est cependant pas égoïste car s'il se retire du monde, c'est pour mettre en garde les hommes des excès, des malheurs, des dangers de la société. Ce bonheur épicurien est fondé sur l'ataraxie (absence de douleur): l. 17-23 et le mépris des richesses: l. 24-29 Cette philosophie s'explique par les principes de la Nature.
Sénèque, La vie heureuse, Ier siècle après J.C
L'auteur nous présente ici une conception stoïcienne du monde. On distingue le corps de l'esprit, ce-dernier étant valorisé au détriments du corps car c'est lui sui nous différencie de l'animal, du végétal et du minéral. L'être humain est animé de raison. On ne peut être heureux qu'en s'inscrivant dans cette raison, qui incarne la réflexion, la vérité, le jugement. Il ne faut pas se laisser aller à tous les plaisirs de la vie. Ceux-ci attirent l'âme mais le sage sait y résister. C'est en refusant ces plaisirs que l'on accède au bonheur (l. 16-17). L'auteur nous met en garde contre l'imagination, les projets d'avenir, les espérances, les rêves, les chimères. L'homme heureux vit dans le présent, sans craintes ni plaisirs. Un être heureux doit avoir un jugement droit, être plein de raison, vivre pleinement dans le présent. Il faut estimer ce que l'on a et non ce que l'on peut avoir.
Exprimer le bonheur est donc difficile en littérature, c'est pourquoi le thème du malheur y est plus souvent abordé.