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Le matin du monde


Introduction

Jules Supervielle (1884-1960), né à Montevideo en Uruguay de parents basques et mort à Paris, appartient à un milieu riche. Il passe sa vie entre l'Amérique du Sud et la France donc passe beaucoup de temps en bateau (l'avion n'était pas encore un moyen de transport). Cet auteur a ainsi un regard particulier sur le monde et le temps puisqu'il a l'habitude des grands espaces. Il a écrit beaucoup de poèmes et quelques fables mais est plus connu pour ses contes comme Le voleur d'enfants (1926). Supervielle est un poète connu et reconnu, en marge de tous les courants littéraires de l'époque, notamment du surréalisme, bien qu'il connaisse le «chef» de ce mouvement: Breton. Le surréalisme accorde beaucoup d'importance aux rêves. Supervielle aussi, mais différemment: pour lui, le rêve doit être dirigé par le poète, il lui donne son sens, impose son contenu (et non l'inverse). Le poète est indépendant, inspiré par lui-même et par son propre regard.

Sujet: 8 quatrains en octosyllabes au rimes croisées (abab) dans les 2 premiers quatrains. Cependant, on observe que certains vers ne sont pas rimés, sont isolés, riment beaucoup plus loin ou simplement par assonances. On est donc entre la tradition et la modernité pour la versification. Victor Llona est un écrivain poète, traducteur. Le poème est tiré de Gravitations, paru en 1925. Le pluriel indique qu'il s'agit d'un registre abstrait plutôt que concret. Ce titre renvoie aux astres, c'est à dire l'univers, le cosmos. Ce recueil est composé de 9 parties dont la 2nde (celle qui nous intéresse ici) s'intitule «Matins du monde». «Le matin du monde» est le 1er poème de cette partie. Le titre à lui seul indique le sujet: le poème va raconter le début, la naissance du monde, donc ce qui s'est passé au moment de la création du monde. C'est une sorte de genèse, de cosmogonie.

Problématique: Comment le poète décrit le monde naissant? Quelle est la place de la poésie et du poète dans cette genèse?

Plan:
I. Le regard du poète sur la naissance du monde
II. La naissance du monde se met en place
III. La vision optimiste, heureuse


I. Le regard du poète sur la naissance du monde

a) Une rêverie cosmique
Le poème est descriptif, comme le prouve l'emploi de l'imparfait (excepté le dernier verbe, au passé simple) répétitif, qui lui confère une valeur durative. Cette scène de la genèse a duré, afin qu'il y ait bonheur, ordre et harmonie. Dans ce poème, on ne retrouve jamais l'expression de la 1ère personne, ce texte n'exprime donc pas de sentiments. L'auteur ne parle pas de lui mais de l'univers entier. Nous ne sommes pas dans une poésie lyrique. Cependant, Supervielle a beau ne pas dire «je», le poème n'existe pas sans le regard du poète. Sa présence se fait sentir dans sa manière personnelle et originale de décrire le monde. Ce poète se décrit comme un créateur (c'est l'étymologie du mot). La poésie vient du regard personnel du poète sur le monde.
Au 4ème quatrain, vers 16 l'expression particulière «coeur astrologue» peut s'appliquer au poète. Cela ne rime pas, il y a juste une assonance avec «homme». Mais cette formulation attire l'attention puisqu'elle est aussi le titre de la 3ème partie du recueil. Elle renvoie au poète qui est astrologue car il lit dans les astres et prédit l'avenir dans ceux-ci: il dit ce que personne ne sait ou ne voit. Le poète raconte ce qu'il y avait à la naissance du monde. Par ce poème, le poète montre qu'il est astrologue car il lit dans l'univers la naissance du monde. Il a un pouvoir certain.

b) Les étapes de la création
Cette naissance du monde procède par étapes (durée, imparfait), quatrain par quatrain. Chaque quatrain correspond à une phrase et comprend donc 3 enjambements. Il y a donc un temps de pause à chaque quatrain: chaque étape est longue mais régulière.
La 1ère étape est le chaos, on entend des bruits.
La 2nde n'apporte rien de précis: «Tout» (v. 5) exprime une généralité. On trouve une versification classique alors qu'on parle de quelque chose de désordonné, ce qui donne finalement un semblant d'ordre.
La 3ème est l'apparition de la vie, avec les végétaux: «Palmiers» (v. 9) est une métonymie qui représente tous les végétaux. L'apparition des animaux est aussi amorcée avec les oiseaux.
La 4ème correspond à l'apparition des animaux et de l'Homme. Le cheval étant un animal très utile à l'Homme, il symbolise l'entrée dans la civilisation.
La 5ème développe le début de la 4ème car on évoque le cheval.
La 6ème développe l'Homme.
La 7ème montre les paysages terrestres qui prennent forme.
Enfin, la 8ème est la fin de la création, la conclusion. Il y a une certaine harmonie, un bonheur. Le dernier mot, «parlantes» renvoie aux Hommes.

Animaux, végétaux, humains, astres, Terre, cosmos, tous les éléments qui constituent l'univers ont été mis en place. Le monde a pris forme peu à peu avec différentes composantes. Au centre de cette création se trouve le poète car c'est lui qui la raconte. Le passé simple «oublièrent» (v. 31) marque une rupture par rapport à la naissance du monde: il est désormais créé.


II. La naissance du monde se met en place

a) Les sens (l'ouïe)
Le décor s'est mis en place grâce au sens et aux mouvements, par le poète. On relève tout un champ lexical du bruit: «mille bruits» (v. 1), «ouïr» (v. 3), «hennissait» (v. 8). On passe du silence (v. 2) au bruit des Hommes et des animaux, le poème s'achevant par la parole de l'Homme, qui s'impose au monde. Il y a une évolution progressive avec un crescendo de bruits pour aboutir à la présence dominante de l'Homme. Supervielle maitrise sa rêverie. L'évolution se fait du silence au bruit, de l'imprécision à la précision et à la diversification.

b) Les mouvements
«balancer» (v. 10), «avançait» (v. 14), «tournant» (v. 16), «bougeait» (v. 17), «galop» (v. 20), «s'assemblaient» (v. 23), «passaient» (v. 24).
Il n'y a pas de mouvements dans les 2 premiers quatrains, où tout est assez statique, c'est la situation de départ, un ensemble vague. Le mouvement ne commence qu'à la 3ème strophe, pour s'arrêter à la 6ème. Il est donc concentré au centre du poème. Il y a ainsi un temps pour le mouvement, un cycle: au début règne le chaos, puis le monde se met en mouvement dans les 4 strophes centrales et enfin, il n'y a plus de mouvement, le paysage prend forme sous l'effet du chant du coq et de l'océan, il y a quantité d'être humains, le monde pullule.
Par ailleurs, v. 24, «passaient de l'ombre» (la nuit) «au Soleil» (le matin) est la note finale du mouvement. Cela représente un passage symbolique. V. 19, le «Dans la rue» marque une construction humaine organisée donc une civilisation, un urbanisme, qui débute la strophe. Cela provoque un trouble chez le lecteur, on ne sait pas si on a réellement compris le sens du poème. Evoque-t-on la création du monde ou bien l'idée que tout renait au matin, que chaque aube nouvelle est une naissance du monde?

Notre monde qui est né est vu par le poète de façon heureuse, apaisée et optimiste.


III. La vision optimiste, heureuse

a) L'ordre
L'ordre et l'harmonie sont liés à la vision heureuse et à la versification du poème (8 quatrains de 8 syllabes avec 1 phrase par quatrain et de vers courts) qui donne une impression d'ordre, de solidité. Le vocabulaire est relativement simple, nous ne sommes pas dans un poème hermétique. La difficulté de ce texte repose sur son sens et son ordre inversé. Cette impression vient du fait que tout est dit par le regard, comme le prouve le thème du miroir. Ce thème apparaît au début, v. 5-6, quand nait le monde, au milieu, v. 23 puis à la fin, v. 31-32. Le miroir duplique une même image, en symétrie, il y a ici une valeur de réfléchi (s'). Ainsi, on se voit soi-même. Tout devient réfléchi, précis, parallèle, le monde se forme avec symétrie. Il y a une prise de conscience par rapport à l'autre, on prend conscience de ce que l'on est car on observe quelqu'un de semblable en face de soi. On retrouve par ce thème du miroir le thème de Narcisse: on prend conscience de son existence par rapport à l'autre même s'il est soi-même. L'ordre devient malgré tout exubérant au dernier quatrain car le monde a pris forme dans le 7ème, il pullule d'êtres humains. Cela est montré par le singulier qui devient pluriel, ces nombreux pluriels représentants le pullulement de vie humaine.
Dans le dernier quatrain, les êtres humains sont présents avec les rameurs, les nageuses et le terme «parlantes». Sont présents aussi des éléments du cosmos, avec les étoiles mais il n'y a pas d'animaux ni de végétaux.

b) L'harmonie
L'harmonie est présente bien évidemment elle aussi grâce à la versification et à la musique, avec les vers, les assonances, les allitérations, les rimes intérieures qui font de ce poème un texte harmonieux. Cette harmonie vient essentiellement de 3 choses:
- Le son «ait» des imparfaits, largement employés, plutôt au sein du vers qu'à la rime.
- Les vers sont courts or plus ils sont courts, plus on entend la rime ou assonance finale.
- Dans les 3ème et 5ème strophes, il y a une assonance en «é» et une allitération en «L»
On entend davantage la rime mais aussi les assonances et allitérations intérieures. Même si la versification n'est pas classique, la structure de ce poème est harmonieuse. Supervielle est ainsi à la fois classique par certains côtés et moderne. On gagne cependant en musicalités grâces aux rimes intérieures.
Mais l'harmonie du poème vient aussi de l'harmonie dans laquelle vivent les différentes éléments du cosmos (Homme, animaux, végétaux, astres), accompagnée d'une impression de paix et de liberté, avec des relations heureuses. Au 3ème quatrain les végétaux (palmiers) vivent en harmonie avec les animaux (oiseaux), de même pour l'animal et l'Homme, au quatrain suivant. On note dans ces deux strophes une inversion des acteurs, on est habitué à l'inverse. Tous ces points amène une étrangeté dans le regard du poète, qui montre un monde à l'ordre différent, nouveau et créateur.
V. 21-22, les enfants et les femmes sont comparés à des nuages, il y a encore une fois une inversion.
La poésie réside ici dans la forme, la versification du texte, le choix des mots mais aussi le regard du poète, qui retrouve son étymologie (créateur, en grec). Ce poème est une façon de regarder le monde, personnelle bien qu'il n'y ait pas de «je»
La liberté est symbolisée par le cheval au centre du poème. Le blanc représente la pureté du matin, cela renvoie à l'aube (alba ? blanc)


Conclusion

Le poète développe le thème de la naissance du monde, de la genèse mais peut être aussi de la naissance du jour, chaque aube nouvelle étant une naissance du monde. C'est assez paradoxal puisque le poète considère que la naissance du monde se répète chaque matin.
On a une vision du monde heureuse et optimiste.
Le poète est le seul spectateur de la naissance du monde, il voit ce que les hommes ordinaires ne voient pas. Le poète est ainsi au centre de la création (4ème strophe). Le poète a un pouvoir de créateur avec une tendance à inverser l'ordre du monde.
Ce n'est pas une poésie lyrique car l'auteur n'exprime pas de sentiments personnels, il ne fait que décrire le monde qu'il voit autour de lui.
C'est un texte poétique grâce à la versification, les assonances, les allitérations, les rimes et les rimes intérieures (il y a beaucoup de sonorités semblables). Il y a aussi des métaphores, donc un langage poétique (v. 22) ainsi que des personnifications d'éléments du monde (v. 27 à 31). Cependant, il y a peu d'autres figures de style. Il n'y a pas non plus de vocabulaire poétique mais des associations de mots pour traduire le regard original que le poète porte sur le monde.
C'est un poète du XXème siècle, soucieux du sens du mot «poésie», qui crée donc une nouvelle poésie, reposant sur le regard original de l'auteur. Les êtres humains sont mis au même niveau que les autres créatures. On a ici une description avec une vision de l'âge d'or.
Supervielle se situe au centre tandis que Baudelaire se met en retrait.