Les Obsèques de la Lionne
Introduction
La Fontaine, auteur classique, publie le 2eme recueil des Fables (livres 7 à 11) en 1678.
Pour les Obsèques de la Lionne, il s’inspire du texte d’Abstemius mais aussi de ses expériences personnelles. Il est protégé par 2 mécènes: Fouquet (de 1658 à 1663) puis la duchesse d'Orléans (1664 à 1672) de laquelle il est servant au palais du Luxembourg.
Sujet: La Lionne vient de mourir, le roi son époux et toute la cour à l’exception du cerf pleure son décès. Un flatteur va dire au Roi qu’il a vu le cerf rire pendant l’enterrement. Le Roi convoque donc ce-dernier et veut le mettre à mort pour outrage. Le cerf, pour éviter une mort certaine, le flatte en lui tenant un discours habile et mensonger sur la Reine et sauve ainsi sa vie par cette ruse. C'est une critique de la cour et du Roi.
L'auteur intervient uniquement pour décrire la cour. Il y a hétérométrie dans cette fable avec une alternance d'octosyllabes et d'alexandrins.
Plan:
I. Les caractéristiques du récit
II. Les discours du Lion et du Cerf
III. L’enseignement de la fable
I. Les caractéristiques du récit
a) Temps, lieu, action
L’action se déroule dans un endroit vague «en tel lieu» (v. 8).
Le temps est au passé mais il n’y a pas de date précise, c'est encore plus vague que le lieu. Le récit a une volonté d’intemporalité, d’universalité.
Les obsèques renvoient à la cour de Versailles: à quelques détails près, tout se passe comme chez les humains: «rugir» (v. 16) et «antre» (v. 13).
Cependant, il y a aussi des similitudes: «compliments de consolation» (v. 4), «affliction» (v. 5) donc des condoléances et la souffrance du lion, exprimée à la manière des humains: «cris» (v. 12), «patois» (v. 16)
Manifestement, tout le monde veut se trouver aux funérailles:
«Jugez si chacun s’y trouva» (v. 11).
Le temps et le lieu sont donc imprécis mais l'action dénonce les moeurs de la cour et des contemporains.
b) Les personnages
On trouve le lion, la lionne (personnage évoqué) le cerf, les courtisans (un personnage collectif) et le flatteur (élément déclencheur de l'action)
Il n'y a pas de descriptions physiques des personnages, ils ont juste des noms, qui ne rapportent pas au domaine des animaux.
Le lion: «Prince» (v. 3, 12, 19), «Roi» (v. 30, 48), «Monarque» (v. 33), «Sire» (v. 39)
La lionne: «Femme du lion» (v. 1), «Reine» (v. 26), «digne moitié» (v. 49)
Le cerf: «le cerf» (v. 25, 32, 39), «chétif hôte des bois» (v. 33, périphrase), «traître» (v. 38), «ami» (v. 44)
Les animaux sont donc complètement humanisés, avec des sentiments humains comme la colère, la tristesse, le côté autoritaire et le désir de vengeance. Louis XIV est représenté allégoriquement sous les traits du lion. Le cerf, lui, représente un opposant au roi, peut être La Fontaine.
II. L’affrontement du roi lion et du courtisan rebelle
a) Le discours du lion (v. 33 à 38)
6 vers (2½ Alexandrins + 3 octosyllabes)
Il y a un sentiment de colère qui domine.
Expression à la 1ere personne du pluriel (nous de majesté) qui lui donne de l'importance. Il tutoie le cerf et utilise une périphrase pour le qualifier, ce qui est péjoratif.
V. 34: La première accusation est calomnieuse, la seconde est véridique.
Son mépris du cerf est marqué en partie par le jeu des adjectifs: profanes/sacrés en opposition
(v. 35-36) mais aussi par les qualificatifs «chétif» (v. 33) et «traître» (v. 38)
Le lion donne une image de lui autoritaire et violente (donc négative) avec les impératifs: «Venez, vengez, immolez» (v. 36-37)
b) Le discours du cerf (v. 39 à 49)
11 vers, 2 parties: il parle lui-même (5 vers) puis il fait parler la reine (6 vers)
Il tient un discours persuasif puisqu'il risque sa vie et habile. Cela produit un effet de surprise, il y a un rejet de «Est passé» au vers 40 et une rime de superflu/apparue. Il ne répond pas à la violence du roi mais le flatte: «votre digne moitié» (l41)
Il donne une image apaisée et heureuse de la mort: la lionne est aux Champs Elyséens, elle goûte à mille charmes, elle est parmi les saints, c'est le Paradis. Tout est positif pour elle, qui est en plus contente de se faire regretter.
Le cerf prétend que la lionne l’a appelé «ami», qui est à mettre en opposition avec le «traître» de son mari.
Ce discours développée et complexe a donc un effet immédiat sur le destinataire: le lion passe d’un état violent à un état naïf, il y a un retournement de situation puisque le cerf n'est pas tué et reçoit même un cadeau. Le cerf passe pour quelqu’un d’habile, de rusé, de diplomate.
Cette fable est un exemple du pouvoir des fables, une arme contre les puissants.
III. L’enseignement de la fable
a) La position du fabuliste contre le roi et pour le cerf
«Comment eut-il pu faire» (v. 25) montre que le fabuliste est pour le cerf.
v. 26-27: il explique l’attitude du cerf
v. 28: il insiste sur le fait que le cerf ne pleure pas.
Au niveau de l’organisation des discours, le cerf parle le plus et il a le dernier mot. De plus, il invente une récit mensonger, il est lui aussi un fabuliste.
b) La critique de la cour
V. 11: «Jugez si chacun s’y trouva». Toute la cour veut se montrer, faire une apparition mondaine.
V. 17 à 23: La Fontaine interrompt le récit en donnant son avis sur la cour: «Je définis…» C’est une critique assez vive de la cour, dont les membres sont comparés à des imitateurs.
V. 19-20: La rime être/parêtre montre la problématique du courtisan, qui n'a par ailleurs pas de personnalité.
V. 22: Opposition 1-1000. Le courtisan n'a pas de sentiments ou opinion personnels, c’est un individu qui ne peut voir que des réactions de masse, auxquelles il est soumis.
Le présent a une valeur de vérité générale.
La morale est faussement objective, avec un point de vue critique sur la cour et notamment les courtisans.
Conclusion
Le fabuliste arrive à plaire et instruire par les discours directs du lion et du cerf, par son intervention en plein récit, par sa critique des courtisans (plus morale que politique) et par la démonstration de la force de la parole habile, dont il fait l'éloge.