Lorenzaccio II, 4
Introduction
-> personnalité Lorenzo
-> problème d’identité
-> problème politique
On étudie le premier tiers de la scène, qui présente 3 personnages: Lorenzo, Marie (sa mère) et Catherine (sa soeur). Ils sont au palais Soderini, dans la maison familiale de Lorenzo. C'est donc une scène intime, privée. Lorenzo a 10 répliques, Marie 8 (dont une très longue) et Catherine 6. Les répliques sont courtes et le rythme rapide, ce qui indique une certain tension, de l'émotion. Il est ici question du jeune Lorenzino, présent dans le rêve que Marie raconte, et de Lorenzaccio et Brutus, par Catherine. Lorenzo tient des paroles provocatrices qui choquent.
Le thème romantique du double est à l'oeuvre, c'est la problématique du passage.
Plan :
I) Le personnage de Brutus
II) Le spectre de Lorenzino
III) Le heros romantique
I. Le personnage de Brutus
1) Un sujet de conversation familiale dans un cadre intime
Les 3 personnages en présence sont liés par un lien familiale. Ils sont tous assis dans ce cadre intime qu'est leur vie quotidienne. «tenant un livre»: on suppose qu'elle lisait un livre d'histoire romaine et elle évoque ce qu'elle lisait. Marie ne participe pas mais Lorenzo assure le lien.
Le dialogue est rapide, allusif, le sujet est supposé être connu.
Il existe 2 Brutus:
Le 1er vécut au I er siècle avant JC et tua son père César pour le bien de la République. Il apparaît comme un libérateur.
Le 2nd : Sextus Tarquin, fils de Tarquin le Superbe (l'oncle de Brutus), roi de Rome à la fin de la royauté, viole Lucrèce qui se suicide de honte. Or Tarquin le Superbe avait tué le père de Brutus. Ce dernier feignait donc la folie pour mieux préparer sa vengeance. A la faveur du scandale du viol, Brutus soulève son peuple, chasse les Tarquins proclame la République en -509.
Ce-dernier Brutus et Lorenzo puisque tous deux tuent le tyran, membre de la famille et ont une double personnalité. Lorenzo rêve de même de chasser les Médicis et de proclamer la République.
2) Analyse du mythe par Lorenzo
Catherine ne fait qu'une remarque et on ne sait pas ce qu'elle lit. Lorenzo s'oppose à sa soeur et considère cette histoire de Brutus comme un «comte de fées», ce qui est une vision étonnante.
Pour lui, Tarquin était «un fou, un monomane» ce qui est juste mais Tarquin est au contraire valorisé de manière choquante, puisqu'il est dit «plein de sagesse». Mais l'apogée de la provocation ne vient qu'après, lorsqu'il parle de Lucrèce, qui aurait éprouvée de la satisfaction à se faire violer et à être une victime. Elle serait amplement satisfaite de son sort. Lorenzo fait une description scandaleuse, excepté pour Brutus. Cela est contradictoire et provocateur. Il est en ce moment Lorenzaccio le débauché, il va trop loin, notamment avec sa comparaison méprisante.
Marie réagit (Catherine, elle, ne dit rien) et est manifestement très affectée par les propos de son fils. Elle a donc une réaction hostile.
On relève des anachronismes de Lorenzo: «comte de fées»; «duc» ne convient pas non plus pour parler de Tarquin, cela se rapporte à Alexandre. Cela coïncide avec le voeu de Lorenzao de devenir un Brutus moderne.
II. Le spectre de Lorenzino
1) Le récit du rêve de Marie
C'est la seule longue réplique du passage et elle est 'esthétique romantique puisqu'il est question d'un rêve. Mais c'est une hallucination, une vision, un rêve éveillé.
Le récit se fait à la 1ère personne, ce qui montre une subjectivité. Le récit est au passé, avec des repères de lieu et de temps, marquant des souvenirs du passé. Marie est assis à côté de la fenêtre, plongée dans ses pensées, ses souvenirs. Il y une opposition entre le présent, sombre: «nuit obscure» et le passé, heureux: «au jour de ton enfance», qui fonde la nostalgie.
Avant Lorenzo passait ses nuits à travailler (hyperbole, peut être), il était studieux tandis que maintenant, il occupe ses nuits à se débaucher avec le duc.
Marie apparaît comme une mère qui souffre, pleure, une Mater Dolorosa. Il y a une allusion à Marie, la mère de Jésus.
Il y a une situation affective, avec des surnoms gentils: Renzo (maintenant), Lorenzino (avant), contrairement au péjoratif Lorenzaccio.
Le spectre avait un livre, symbole du travail, des études, des intellectuels, de sa personnalité d'avant. C'est un métonymie de l'étudiant.
Marie entretient un dialogue mais elle parle sans réponses du spectre. Ce qui est d'ailleurs le comportement réel de Lorenzo, dans la pièce, il ne s'explique jamais, il est mystérieux. ce qui la fait insister sur «Comme tu reviens de bonne heure!». Marie voit là un changement dans Lorenzo. Elle souhaite retrouver son Lorenzo d’autrefois. Le rêve apporte une vérité qui touche Marie. Mais Lorenzino ne reviendra pas. On retrouve ce thème dans Nuits, de Musset.
Ce rêve n'est pas précis.
2) La réaction de Lorenzo
Lorenzo a une réaction insistante: il est intrigué et nous intrigue: il pose 3 questions (sur 5 répliques) brèves auxquelles sa mère répond en reprenant les mêmes mots.Br />
On donne réalité au double et au spectre. Ce spectre a l'ai r triste, ce qui montre la souffrance à être double. Il intrigue le spectateur par 2 répliques.
Puis tout à coup il change de sujet de conversation, qui, en réalité, rejoint le précédent.
Le personne ne parle pas, ne répond pas mais il manifeste ses émotions par ses tremblements, son corps parle pour lui.
Le spectateur comprend le «il verra bientôt quelque chose qui l'étonnera», qui renvoie au meurtre à venir.
Le personnage de Lorenzo apparaît double, à la fois sublime (c'est un tueur de tyran) mais aussi grotesque (il incarne le mal et la débauche)
On rapproche ainsi souvent Lorenzaccio de Hamlet (Shakespeare)
III. Le héros romantique
1) Un idéaliste
Le thème dominant de cet extrait étant celui du double, Lorenzo apparaît comme un héros romantique. Cette scène révèle un Lorenzo idéaliste, épris de pureté. Cela se voit avec sa 4ème réplique: «Je vous estime, vous et elle. Hors de là, le monde me fait horreur», il met à part sa mère et sa soeur. Ce personnage est ainsi rattaché au monde de l'enfance, symbole de pureté.
Il y a donc une opposition entre la pureté de l'enfance et le monde adulte immonde.
Lorenzo a une aspiration élevée avec une morale et un idéal politique: la fin de la tyrannie donc la République et la liberté.
Son idéal ne peut pas être satisfait dans la vie, puisqu'il utilise le mal pour l'atteindre. En effet, pour lui, «la fin justifie les moyens». Ce qui est une situation contradictoire, mais il a conscience d'être dans une situation difficile, d'où son aire mélancolique (Marie, réplique 7) et son mal existentiel. C’est quelqu’un de fragile, sensible (tremblements) mais cultivé et intellectuel (il parle bien).
Tout ceci le classe dans le sublime.
2) Le triomphe du mal
Lorenzo éprouve un mal-être existentiel car c’est un être tiraillé, qui a perdu son unité, il n'est pas en harmonie avec lui-même. Il utilise le mal et est en proie au mal du siècle.
Il souffre mais fait aussi souffrir les autres (ses proches et en particulier sa mère) et désespère son entourage (Marie 4, Catherine 2), presque au point de causer leur mort. On remarque une absence totale de son père.
Bindo a essayé de nombreuses fois de ramener Lorenzo à un comportement moral, à la position politique républicaine raisonnable de sa famille. On pense qu'il a changé et perdu ses convictions républicaines, toute le monde le prend pour Lorenzaccio et non pour Lorenzo.
Il se comporte comme Brutus, du point de vue de la folie. Sa mère Marie souhaite que Lorenzo change, c'est le sens de son rêve.
Puis, Lorenzo aura une attitude odieuse envers Bindo, il refuse de répondre à l'appel des républicains.
Cela le place au contraire dans le grotesque.
C'est donc un personnage qui souffre et fait souffrir. Il refuse d'abord de répondre à son oncle, avant de le faire clairement mais personne ne le croit plus. Pourtant, il est sincère et retrouve son unité.
Conclusion
Le thème du double domine cette scène, on voit le comportement de Lorenzaccio et de Lorenzino, avec une opposition entre le lui du présent et celui du passé. On voit qu'il se dissimule pour avouer qui il est mais personne ne le prend au sérieux. Ce personnage est aussi décrit par les réplique des sa mère. C'est un héros romantique, qui a perdu son unité, est déchiré entre 2 tendances contradictoires: il a des aspirations irréalisables dans la réalité de la société, impure. Musset explique le mal du siècle: autrefois, sous Napoléon les jeunes pouvaient changer de condition sociale, même la mort était héroïque. Maintenant, cet espoir n'existe plus. C'est une société décevante, qui ne permet pas réaliser nos espérances. Lorenzo n'est un héros classique puisqu'il a perdu son unité. Il est romantique.